Le Groupe Jeune Alpinistes se délecte du Granite Italien…en tête et sur coinceurs s’il vous plaît
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- Mis à jour : vendredi 18 septembre 2020 15:57
- Écrit par Florian Gerault
Et voilà, la belle saison du Groupe Jeunes Alpinistes version 2018 touche à sa fin. Et comme une belle promo mérite un beau final, c’est sur un spot majeur de granite que Matthieu et Didier ont organisé la dernière sortie : le Val d’Orco (Valle Dell’Orco en version originale).
Au menu : risotto, escalope de veau et genépi.
Plus sérieusement, escalade en fissures, en dièdre, en cheminée, le tout agrémenté de pose de coinceurs, recherche d’itinéraire et manips de grande voie. Assurément un beau final.
C’est la rentrée, il fait beau, la saison de haute montagne touche tranquillement à sa fin, et le temps est idéal pour faire de l’escalade de moyenne montagne. Malheureusement, les agendas des uns et des autres évoluent vite et le groupe se réduit à sa plus simple expression, tant chez les encadrants que chez les participants. Côté encadrants, Didier Angelloz intervient en tant que guide ; ça tombe bien il connaît la vallée comme sa poche. J’interviens pour ma part en tant qu’initiateur, très heureux de découvrir cette merveille du Val d’Orco. Côté Groupe Jeune, Jayson, Hugo et Mathilde ont hâte d’en découdre avec ces lignes de fissures que l’on ose parfois comparer au Yosemite Californien.
Car si le grand frère Américain se nomme « El Capitan » et affiche fièrement 900m de hauteur, les petits frères Italiens ont été baptisés « Le Sergent » et « Le Caporal », proposant des faces plus modestes de près de 250m. Nous passerons ces deux jours sur deux secteurs distincts du Sergent, la première journée sur des voies d’une longueur en face sud et la seconde sur des voies de plusieurs longueurs en face sud-est.
Après un bref passage au refuge Guido Muzio ou nous profitons d'un joyeux accueil à l'Italienne, nous nous lançons dans la découverte du site pour un premier jour de mise en jambe sur des voies d’une longueur. La falaise est à la fois grandiose et paisible, offrant au regard un superbe rocher dans un cadre verdoyant. C’est ce qui rend ces escalades alpines en moyenne montagne si agréables au printemps et à l’automne. Mais attention, nous ne sommes pas sur un simple « secteur de couenne ». D'une part, le ticket est relativement élevé avec des voies d’échauffement affichant un niveau 5c. Mais surtout, aucun point dans les longueurs et un style bien particulier : le rocher propose de grandes dalles lisses striées de fissures plus ou moins larges, tantôt verticales, tantôt horizontales, en passant par l’oblique.
Pour connaître les meilleurs astuces, l'observation des locaux est toujours digne d'intérêt
Pour poser les pieds, il faut choisir entre coincer dans les fissures quand cela est possible, ou bien grattoner sur de minuscules bosselettes, ou encore revenir aux fondamentaux historiques de l’escalade, les pieds à plat en opposition dans les dièdres et les cheminées. Pour les mains, il faut tenter de verrouiller tant bien que mal à l’intérieur des fissures, ou bien se contenter d’y plonger le bout des doigts. La nature fait bien les choses et répartit les avantages entre chacun : plus la fissures et fine, plus les petites mains sont avantagées ; plus la fissure est large, plus les mains et les doigts épais se verrouillent aisément. A ce petit jeu, c’est un peu comme l’Allemagne au football dans les années 80-90 : tout le monde joue, mais à la fin c’est Didier qui gagne ! Les 5c passent en tête pour tout le monde, les 6a un peu moins, et Didier nous offre même un petit bijoux de fissure en 7b ou 6b/artif . Pour ce qui est d’enchainer le 7b on repassera, mais la section dure du milieu de voie se franchit en plaçant de petits câblés sur lesquels on tire sans vergogne, les pieds en adhérence dans la dalle, avant de repartir en libre et d’accéder à une rampe raide qui débouche sur une double fissure verticale. Splendide et passionnant ! Entretemps, Jayson, Mathilde et Hugo ont pu tester la « monstrueuse » fissure oblique de la Disperazione (5c, première longueur) ainsi que la fissure en arc de cercle précédée d’un dièdre parfait (6a). Deux autre jolies voies nous avaient précédemment permis d’expérimenter la grimpe locale avec bonheur.
Hugo sort du dièdre et s'essaye dans la fissure en arc de cercle ...
Tandis que Didier attaque la section dure en 7b de la fissure voisine !
Mais l’escalade traditionnelle, ou « trad » pour les intimes, ou encore escalade sur coinceurs pour les non-initiés, prend du temps et de l’énergie. A peine cinq voies parcourues et il est déjà temps de mettre un terme à cette première journée riche en apprentissage et en belle grimpe. Pour conclure, Didier nous invite à nous recueillir sur le patrimoine grimpistique de la vallée et les prouesses des pionniers dont il fait partie : nous partons alors batailler dans une fissure explosive ouverte en son temps par le maître Patrick Edlinger. Les avant-bras fument pour notre plus grand plaisir, nous qui ne maîtrisons que très partiellement l’art du verrou de doigts, mais ça sort tant bien que mal. Nous partons enfin découvrir un autre monument du genre : une fissure hyper déversante en 7b+ ouverte par… Didier himslef et ses amis Italiens, sans doute le premier 7b+ de la vallée. Doit-on le repréciser, ces fissures ne sont pas équipées de spits… avis aux amateurs ! C’est donc les yeux rêveurs que nous nous contenterons de toucher les premières prises, les pieds bien posés au sol. Un jour peut-être…
Jayson se bat pour sortir la fissure du Panneton ouverte en son temps par Patrick Edlinger
A mon tour de faire chauffer les bras !
Nous regagnons le refuge Guido Muzio qui se trouve en réalité au bord de la route, et je joue ma crédibilité d’initiateur pour rentrer le minibus en marche arrière dans la cour sans refaire tout le côté. Mission accomplie, pas de problème de stationnement pour cette nuit : nous sommes les seuls au refuge, au grand dam de notre hôte. A table, les discussions de montagne vont bon train mais sitôt le dessert dégusté, les participants mis à l’épreuve par une rude journée d’escalade athlétique sont irrémédiablement attirés par les dortoirs.
Le lendemain, place aux itinéraires de plus grande ampleur ! Nous visons les grandes voies classiques du Sergent tout en restant dans des cotations abordables pour permettre à chacun de grimper en tête. Tout le monde se fait plaisir, les encadrants comme les jeunes alpinistes ! Une cordée de choc composée de Didier et Jayson ira affronter des cotations sérieuses (jusqu’à 6c+ tout de même !), tandis que j’accompagne Mathilde et Hugo à la découverte de la grande classique du coin, Nautilus, en 6a max. Ainsi plongés dans le grand bain de bon matin, tous ont pu le constater : le terrain d’av, c’est du sérieux ! Malgré des cotations débonnaires sur le papier, ça grimpe pour de vrai et même les longueurs en 5 en tête nécessitent de prendre sur soi ! Gare à ne pas se fourvoyer en optant pour la mauvaise fissure, sous peine de se voir barrer la route par un toit et/ou de changer singulièrement de niveau de difficulté ! Nautilus offre une longueur mythique tant la grimpe y est atypique : le départ se fait par 4m de traversée improtégeable en dalle lisse qui débouche sur une immense faille dans laquelle il faut s’engouffrer puis remonter dos à la paroi, les pieds en opposition, avec comme seule protection un bon piton au milieu. Une sortie athlétique ou l’on contourne des blocs déversants permet de retrouver la lumière du jour après 20 mètres de grimpe sans une prise de main à se mettre…sous la main. Incroyable ! L’itinéraire original est coté 4c mais légèrement « retouché » à 5c/6a sur camptocamp.
C'est Mathilde qui s'y colle en tête dans la 1ère longueur de Nautilus
La fissure incroyable de Nautilus
Avec le flash ça donne ça...On oublie les prises de main et on pousse sur le pieds !
Pendant ce temps Didier et Jayson n’ont pas chômé : ils ont avalé plusieurs longueurs en 6b+ et ont attaqué la seconde partie de leur voie : un 6c+ très pur, une fissure verticale en dièdre que l’on remonte en contournant au passage deux petits toits. Terriblement physique mais majeur ! Jayson se régale et enchaîne au 1er essai. Un petit run en plein cagnard en moulinette pour ma part. Ouarf, c’est classe mais ça grimpe !
Trêve de plaisanterie, Dider et Jayson jettent leur dévolu sur une autre ligne de fissures tout aussi dures, tandis que nous poursuivons notre chemin dans « Nautilus » avec Mathilde et Hugo en tête. Une superbe longueur en 5a avec au choix un réta à plat ventre sur une petite rampe ascendante ou une fissure raide qui nous amène au pied d’un beau dièdre en 6a. Je repars ensuite devant pour une belle grimpe « école » en fissure : des écailles raides mènent au dièdre proprement dit et parcouru par une fine fissure verticale dans laquelle on passe à peine les doigts. On quitte ensuite ce dièdre par un système de fissures horizontales pour retrouver ensuite un final athlétique où l’on vient buter sous un petit toit que l’on contourne par la gauche. C’est beau, c’est astucieux, et assez raide sans être trop difficile. Un vrai bonheur ! Malheureusement l’heure tourne et les copains à côté ont déjà fini leur voie et tiré les rappels. Nous faisons donc l’impasse sur les deux dernières longueurs et descendons les rejoindre par un long rappel de 50m en fil d’araignée, grande ambiance jusqu’au bout ! La corde à double de 2x60m de Didier nous permet de regagner le pied des voies en deux rappels et clôturer ainsi une saison 2018 haute en couleur pour le Groupe Jeunes.
Mathilde dans le dièdre en 6a
Derniers rappels pour Hugo. Didier veille au grain !
Tandis qu’il nous reste désormais la lourde tâche (!) de trouver une date pour un traditionnel pot de fin de saison avec tous les membres et encadrants du Groupe Jeunes Alpinistes, il se murmure déjà que d’autres sorties en grande voie pourraient venir égayer les belles journées d’automne…
La paroi granitique du Sergent qui fut notre terrain de jeu du week-end
Conseils du jour : Le Val d’Orco propose de très belles escalades en fissure sur granite. Voici nos conseils pour en profiterpleinement.
- Le niveau d’escalade requis est relativement élevé. 5c/6a en tête est un minimum, un niveau 6b/6c permet de ne pas être trop limité dans le choix des itinéraires.
- Deux jeux de friends dont des gros voire très gros (n°5 voire n°6 Black D ) + un jeu de câblés sont nécessaires car souvent aucun équipement n’est en place et les fissures sont rectilignes. Avec suffisamment de matériel, il est en revanche possible de pratiquer le « trad » avec beaucoup moins d’engagement qu’en calcaire.
- Le Val d'Orco propose un certain nombre d'hébergements mais le refuge Guido Muzio ou nous avons séjourné est fort sympathique, dans une délicieuse ambiance traditionnelle loin des hébergements ultra-modernes. D'un tarif très abordable (40 euros la demi pension), il se trouve non loin des parois classiques du sergent et du caporal, et plusieurs grandes voies partent directement au dessus du refuge.